How to : Vendre des reprises de chansons et créer son album

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Dans l’article suivant, je vous explique au travers de ma propre expérience comment faire pour vendre ses reprises de chansons et produire son album. Je m’appuie surtout sur le droit français : attention,  les gestions de droits sont différentes d’un pays à l’autre. Cet article sera complété avec plaisir en fonction de vos retours et de vos questions !

1) Les différents droits liés à une œuvre

Il faut savoir que dans une œuvre, il y a différents types de « droits ». En France, le système est construit de manière à protéger le créateur. Parmi les droits qui constituent la base d’une œuvre, on distingue le droit moral et le droit patrimonial.

Je vous invite à suivre ce lien pour des informations plus détaillées, ou à regarder cette petite vidéo qui vous explique tout très simplement :

Ces deux grandes catégories vont impacter la diffusion d’une œuvre et ce que l’on appelle la cession de droit. La cession de droit, c’est quand vous voulez autoriser l’utilisation d’une de vos œuvres par quelqu’un d’autre (sous forme d’un contrat).

Attends, attends, ça va trop vite ! Tu me parles de plein de droits différents, de contrats… je suis perdu !

Oui c’est vrai que le droit d’auteur est un peu confus, mais prends ton temps pour bien tout assimiler, pas de panique !

Pour résumer, une œuvre sera toujours la création de la même personne tout au long de sa vie d’œuvre, mais ses droits patrimoniaux peuvent changer de propriétaire(s) ! La personne qui détient les droits patrimoniaux d’une œuvre est appelée ayant-droit, elle peut être différente du créateur de l’œuvre.

Prenons un cas concret :

VoxWave détient les droits sur ALYS, chanteuse virtuelle. Le design a été cédé à titre exclusif à la société par sa créatrice : Saphirya.

  • Ici, Saphirya possède un droit moral sur ALYS, elle sera donc à vie sa « créatrice » et citée comme telle. Elle peut décider que certaines utilisations vont à l’encontre de sa création de base et pose un problème de moralité/dénaturation.
  • VoxWave est l’ayant-droit du design d’ALYS, la société en détient les droits de reproduction et de représentation/diffusion (composantes du droit patrimonial) et est la seule à pouvoir décider de son usage. La cession de droit est à titre exclusive, Saphirya ne peut donc pas vendre les droits patrimoniaux liés au design d’ALYS à d’autres personnes ou société.
  • Ici rentre aussi une composante commerciale : si Saphirya fait valoir son droit de retrait (droit moral) du design d’ALYS vis-à-vis de VoxWave alors qu’elle a cédé ces droits, elle devrait indemniser la société (selon un calcul spécifique par rapport à l’impact économique que cela pourrait représenter pour la société). Tout l’intérêt est donc que chacun y trouve son compte et de bien définir les différentes utilisations qui seront faites de l’œuvre lors de la signature de la cession de droit !

Toutes ces notions sont très importantes pour bien comprendre la suite et ne rien manquer !

2) Demander des droits

Si vous voulez reprendre une chanson (ou une œuvre en général bien entendu) et donc utiliser une création sur laquelle vous ne détenez pas les droits, il va falloir les obtenir, et ce, que l’utilisation soit commerciale ou non.

Je vais reprendre des questions que vous m’avez posé pour développer un peu la chose :

Kévin C. : «  A-t-on le droit de chanter et de publier sur YouTube sans droit d’auteur ? »

R : YouTube est en fait rempli d’exception donc c’est un peu compliqué de répondre par « oui » ou « non » directement, surtout que je sais pas sur les droits de quel(s) pays il se base. Mais comme je l’ai dit, en théorie il faut obtenir les droits. Le bot YouTube ne fait qu’obéir aux conditions demandées par les ayants-droits.
Par exemple ici :

  • Je détiens le droit de diffuser « Les Portes d’Arcadia », je peux la publier et même la monétiser sans problème.
  • Je ne détenais à l’époque pas les droits sur « Soleil » et l’ayant-droit refuse que je monétise la vidéo mais ne censure pas sa diffusion : la musique a été identifiée par le bot ContentID et je ne peux tout simplement pas la monétiser, mais je peux tout de même la publier sur ma chaîne.
  • Je ne détiens pas les droits sur « Haruka Kanata », cependant l’ayant-droit a activé le « partage de revenus », cela signifie que je peux monétiser ma vidéo et que nous toucherons tous les deux une part sur la monétisation (d’où le symbole coloré à moitié).

Pour activer cela, il faut que la chanson soit identifiée par le bot ContentID et que l’option vous soit proposée :

*A NOUS LA YOUTUBE MONEY*

Julien L. : « Existe-t-il un moyen simple de reverser des droits d’auteur pour une oeuvre graphique ? Exemple au hasard : Un artiste dessine un pikachu et souhaite en faire des porte-clés ou autre et les vendre… Ne doit-il pas passer par une démarche de droit d’auteur ? (même si à mon avis personne ne le fait) Et si oui existe-t-il un moyen simple d’y parvenir ? Joffrey (ndlr : gérant de VoxWave) nous avait expliqué que pour les covers, certaines plateformes pouvaient s’en charger pour nous et je me demandais s’il existait l’équivalent pour les dessins. »

R : Tu as tout à fait raison. Pikachu par exemple appartient à une société, c’est aussi une marque. Pour en faire une utilisation commerciale comme dans ton exemple, la personne doit au préalable obtenir une cession de droit de la part de l’ayant-droit, autorisant la commercialisation de son image (ou des contenus liés selon la demande). Comme tu le dis aussi, c’est malheureusement rarement le cas. Au sujet d’une plateforme, je ne connais pas de « SACEM du graphisme » désolée, le plus direct reste de demander à l’auteur même si c’est très contraignant. A titre d’exemple, j’ai écrit à Square Enix pour demander l’autorisation commerciale de vendre ma reprise de Nier:Automata et ils ne cèdent malheureusement pas leurs droits aux particuliers. Mais c’est leur droit complet !
Bon, maintenant que vous avez des exemples et des contextes, rentrons dans le vif du sujet !

Pour faire mon album Polymorphose, j’ai donc dû obtenir l’autorisation de réaliser et vendre des reprises. Pour cela je suis passée par différentes étapes et différents organismes de gestion.

La SACEM/SDRM

La SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) est une société de gestion des droits d’auteur. Elle existe dans différents pays et a aussi ses équivalents à travers le monde.

La SACEM sert à plusieurs choses. En France, vous pouvez vous y inscrire et y déposer vos œuvres (moyennant finance). En contrepartie, la SACEM va s’occuper de la gestion de vos œuvres et elle est supposée récupérer vos droits d’auteur et vous les redistribuer. Ça évite aussi la prise de tête de la paperasse administrative, parce que tout le monde ne peut pas tout gérer.

Sur cette base, elle oblige les utilisateurs d’oeuvres à faire des déclarations. Par exemple, une convention comme Japan Expo ou un café qui diffuse la radio, …etc., tous doivent s’acquitter de frais SACEM qui vont couvrir justement cette diffusion publique (même pour des œuvres hors de son répertoire…). En convention par exemple, on nous demande la liste des chansons prévues pour le concert afin qu’ils puissent réaliser la déclaration SACEM avec les bons titres. Je ne connais pas tous les cas de figures, mais voici le plus gros. Zeograd m’a précisé que par contre, la SACEM n’explique pas aux non membres comment récupérer leur dû…

EDIT 08/04/2019 : Vous devez vous inscrire pour récupérer vos droits d’auteur, dans le cas contraire, vos droits/revenus récoltés par la SACEM sont “bloqués/en attente”.

J’avais discuté avec krapo et le CM de la SACEM via Twitter, n’hésitez pas à les contacter, ils sont très disponibles et aident beaucoup à bien comprendre les différents enjeux et obligations (dédicace à toi Frédéric Neff) !

La SACEM a son équivalent de société de gestion dans bon nombre de pays. Ainsi au Japon par exemple, vous pourrez retrouver la JASRAC. Ces sociétés ont souvent des accords entre-elles pour se communiquer les différentes gestions de droits.

La JASRAC

La JASRAC regroupe dans son répertoire un grand nombre de chansons japonaises. Sa base de données, est accessible en ligne et vous permet de trouver les références de certaines chansons. C’est une recherche préliminaire si vous désirez obtenir les droits de reprise d’une œuvre japonaise.

Voici les différentes étapes :

Rendez-vous sur le site et cliquez sur le bouton jaune (J-WID) pour accéder à la base de données. Sinon cliquez ici pour y accéder directement.

Une fois sur la base vous voyez cette barre de recherche. Alors, je sais que ça fait peur et je ne parle pas couramment japonais non plus donc voici un tip pour les visites de ce genre de sites : en survolant les liens vous voyez en bas l’url de ce dernier, et souvent c’est en anglais. Ça vous donne la traduction !

Bon du coup j’suis une fille sympa, voilà la traduction des champs à utiliser :


Tout d’abord, sachez que vous aurez plus de chance de trouver le bon résultat en tapant le nom en japonais de la chanson. Pour les chansons Vocaloid, le site VocaDB pourra vous être très utile, et pour le reste, ce sera Google ! Essayons avec Senbonzakura par exemple.

Quand vous rentrez sur la fiche de la chanson vous pouvez voir plusieurs informations, notamment : les ayants-droits (première colonne – rightholders), leur rôle (2ème colonne – paroles, composition, label, etc.), les titres alternatifs des chansons (registered song titles), les artistes qui ont repris ou utilisé cette chanson (la colonne numérotée de 1 à 10, non-exhaustive) et les différents types d’utilisations possibles avec leurs restrictions. Pensez à noter la référence de la chanson qui vous intéresse (en noir gras au dessus de “rightholders”).

Pour information, voici ce que les symboles du tableau signifient :

Ça peut déjà vous donner une idée de ce qui vous attend pour demander les droits (si la JASRAC gère directement c’est plus simple car vous pourrez voir tout avec eux, mais c’est malheureusement assez rare).

Demander les droits

Cette partie concerne les reprises “identiques”, c’est à dire où l’oeuvre n’est pas dénaturée (pas de traduction/adaptation) et que l’instrumentale n’est pas altérée non plus (pas de remix/arrangements). Le streaming et distribution numériques sont également des cas à part. On va couvrir ces exceptions un peu plus bas dans l’article.

  • Avec la JASRAC

Une fois que vous avez récupéré toutes les références de chansons qui vous intéressent, listez-les et écrivez à la JASRAC (en anglais ou japonais, sur “Music User”). Dites simplement votre projet (reprise vocale, instrumentale etc.) et demandez qui contacter pour obtenir les droits. Normalement vous recevrez une réponse avec des adresses e-mail ou site à contacter pour la suite. Plus votre liste est longue, plus ça risque de prendre du temps.

Voilà le type de réponse que vous allez recevoir :

Du coup, il vous “suffira” d’écrire ensuite à cette adresse mail pour demander les infos. Je vous le dis tout de suite, il faut souvent écrire en japonais cette fois. Erfëa m’avait aidé là-dessus, mais c’est assez laborieux…

Le plus souvent il faudra préciser l’utilisation que vous allez en faire (pressage CD, ventes ou diffusion sur plateformes monétisées, les prix de vente, etc.). C’est uniquement une fois l’autorisation de reprise obtenue de leur part que vous pourrez poursuivre,

  • Avec la SACEM

Théoriquement ça fonctionne à peu près pareil sauf que du coup c’est en français et ça va être plus simple. 😀

Vous pouvez consulter la base de données/d’oeuvres SACEM ici.

La SACEM (SDRM) s’occupe de la gestion des droits de reproduction mécaniques (CD par exemple), comme pour la JASRAC, il faudra contacter l’éditeur (Sony ATV dans l’exemple ci-dessous) pour obtenir l’autorisation de reprise. Une fois celle-ci obtenue, il faudra simplement faire sa déclaration OPO (voir plus bas) pour le pressage de votre CD.

Je n’ai pas encore une utilisation très poussée sur le sujet mais si vous voulez, vous pouvez voir quels sont les démarches et les tarifs pour faire un CD de reprises ?

  • Cas spéciaux (adaptations, arrangements, remix…)

Comme je vous l’ai dit plus haut, dès que vous voulez changer quelque chose sur l’œuvre originale pour en faire “votre version”, vous allez vous heurter à la “dénaturation de l’œuvre”. Mais cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas le faire.

Sachez simplement que pour faire une adaptation française, un arrangement, un remix ou toute autre œuvre de ce genre, vous êtes obligés d’obtenir au préalable l’autorisation de l’artiste qui a réalisé l’œuvre (celui qui détient son droit moral) afin qu’il approuve votre demande. Seulement après cette étape vous pourrez alors procéder comme ci-avant. Autant vous dire que c’est très laborieux et long…

Un autre élément qui me semble important, c’est que vous ne pouvez pas utiliser les instrumentales officielles. Et non ! Sauf si vous avez l’accord de tous les gens qui ont bossé dessus, mais ça encore, bien que possible, me semble beaucoup trop peu probable. Il faudra donc refaire l’instrumentale.

Fear not, parce qu’heureusement, avec les artistes indépendants ce n’est pas la même chose : ils vous autoriseront surement à reprendre l’instrumentale (qui est là pour ça). Cette contrainte est donc principalement liée aux musiques sous labels ou distributeurs (Sony Music, XME, etc.).

Au final, toutes ces épreuves vont assez vite vous aider à construire la liste des titres de votre CD, puisque selon vos moyens, et les réponses des ayants-droits, vous n’aurez tout simplement pas le choix. (ET OUI.)

3) Pressage de l’album / sortie du CD

En France pour presser un album physique, il faut obtenir au préalable la déclaration OPO de la SACEM/SDRM.

La déclaration Oeuvre par Oeuvre (OPO)

Cette déclaration est une fiche qui résume tout ce qui se trouvera sur le CD. Attention, c’est une demande concrète qui va mener à facturation, pas une simple demande d’information, soyez donc sûrs de ce que vous y inscrivez !

Tout commence en cliquant ici. Faites vous un compte (gratuit) pour pouvoir gérer vos demandes, et c’est parti. J’ai pas grand chose de plus à vous raconter finalement, il suffit de remplir les cases. Une partie est à renseigner par vous, et pour l’autre, c’est l’entreprise qui s’occupera du pressage qui va vous donner les informations à renseigner (il faut donc avoir déjà choisi l’entreprise qui va faire vos CDs).

Vous renseignez le type de CD, la quantité à presser, le prix de vente, etc. Il faudra faire une déclaration OPO à chaque fois que vous voudrez presser des albums, même un retirage. Pourquoi ? Parce que cette demande sert à la SDRM à calculer le montant que vous devez payer en fonction de toutes les informations précédemment citées.

Une fois la déclaration validée (après analyse de la SDRM), une somme vous est indiquée et pour rendre la déclaration valide, il faut vous en acquitter. Cette somme est en fait les droits d’auteurs à payer sur les chansons reprises (vous ne payerez rien si vous n’avez que des compositions originales non enregistrées à la SACEM). La mention “reproduction autorisée” sera inscrite sur le document une fois le paiement fait.

Cette déclaration n’est utile que pour le pressage de supports physiques, pour les distributions 100% numériques, voir plus bas.

Le pressage/la publication

Et voilà ! Après ça vous n’avez qu’à lancer le pressage de votre CD avec la maquette, les pistes audios et cette fameuse déclaration ! Voici deux entreprises avec lesquelles j’ai pu travailler : Duplitechnology (Polymorphose, Espoir, Émancipation..) et Hurricane Entertainment (Éveil), toutes deux françaises.

Concernant les supports internet et numériques, il y a des distributeurs comme Soundrop ou Distrokid. Je recommande plutôt Soundrop car vous n’avez aucun abonnement à payer, et que vous ne payez que sur les bénéfices (et les frais de licences pour les reprises).

Ces sites vous permettent de diffuser vos musiques sur toutes les plateformes à partir d’un seul endroit, et de tout y administrer. Honnêtement je trouve ça super pratique. Je parle de ceux-ci parce que c’est ceux que je connais et utilise mais peut-être que d’autres font la même chose. Il faut savoir que ces distributeurs propose également d’autres services (payants) comme la gestion de droits (plus d’infos ici en anglais mais au besoin écrivez-moi et j’vous le traduis) ou encore la répartition automatique des droits entre utilisateurs.

Donc oui, vous avez bien compris, pour les distributions purement numériques qui ne passent pas par un CD physique, vous pouvez gérer directement l’obtention des droits de reproduction avec ces distributeurs.

J’utilise aussi Bandcamp qui me permet d’avoir un coin boutique avec possibilité de vente dématérialisée, physique, et goodies !

4) Foire Aux Questions

Q : Gwenn Eclair : “J’ai plus une question par rapport a l’album : comment a-tu géré l’illustration, sachant que derrière tu l’exploite commercialement, vis à vis de l’artiste ?”

R : J’ai tout simplement payé un prix qui comprend l’utilisation commerciale en accord avec l’artiste ! Je lui ai expliqué ce que j’allais en faire et elle a donné son prix en conséquence. En général, il y a toujours un prix plus élevé pour utilisation commerciale. En général je préfère payer une somme entière et directe que des royalties car la gestion est très pénible pour les royalties.


Voilà ! J’espère que cet article vous aura été utile. Le droit d’auteur semble compliqué mais c’est un outil assez fascinant. Comme l’a dit notre juriste spécialisée en propriété intellectuelle, le droit est un outil, et non pas une punition !

N’hésitez pas à me faire vos retours sur cet article, ça me ferait vraiment plaisir. Posez-moi vos questions et j’ajusterai ce dernier en conséquence. Si j’apprends de nouvelles choses je les ajouterai aussi ! Petit rappel, je ne suis pas juriste, et cet article est le résultat de ma propre expérience donc c’est toujours bien de vérifier toutes ces infos sur des sources sûres !

Enfin, ce n’est pas obligatoire, mais si jamais vous souhaiteriez soutenir la rédaction de cet article, vous pouvez écouter/diffuser/acheter mes travaux ou faire un don si le coeur vous en dis ! 🙂

A bientôt ! <3

Credit image de couverture : Btoor.
Dernière édition : 08/04/2019.